Elmer ou la Voix de son Maître

Berlin, 1936. Nigel Kimberly est un jeune magicien qui veut réussir une carrière dans le show-biz. Non sans mal...Jusqu'au jour où il achète une poupée à clavier et décide de devenir ventriloque. En octobre chez Glénat.

"Première planche première version de l

La première planche,

première version du tome 2

(inédite)

Le livre premier, le Choix des moyens raconte son retour à Londres et la rupture avec sa compagne. Nigel sacrifie l'amour de Kate pour son ambition de réussir en la mauvaise compagnie d'Elmer, cette poupée au visage très dérangeant qui lui permet de dire des choses que lui-même ne pourrait pas proférer. Elmer libère ses penchants malsains : c'est Dr. Jekyll & Mr. Hyde, une pompe à air qui évacue son trop-plein d'agressivité. « Elmer et moi » est une histoire d'amour. Mais l'adversaire de Kate, ce n'est pas Elmer, c'est Nigel lui-même. Dans Les Règles du jeu (l'épilogue), les lecteurs constateront qu'il passe à côté de l'amour à cause de son ambition. II a perdu de vue les choses importantes de la vie. Depuis qu'il a quitté les éditions Dupuis, André Benn écrit ses scénarios lui-même. En réalité, il participait déjà pour une grande part aux scénarios de « Mic Mac Adam ». Pour Les 5 Miroirs, le dernier épisode, Stephen Desberg ne lui a même fourni  qu'un large synopsis.

« Mais je ne m'investissais pas complètement, je devais tenir compte de ce qu'un autre faisait. Auteur à part entière, je me retrouve dans mon univers exclusif, ce qui est tout à fait différent. Cependant, toutes ces années pendant lesquelles j'ai collaboré aux scénarios de Desberg m'ont beaucoup aidé à franchir le pas. »

En guise de hors-d'oeuvre, Benn s'était d'abord attaqué à l'adaptation d'un vieux roman de Pierre Siniac : Monsieur Cauchemar.

« C'est aussi tout un travail. Mais je me basais à nouveau sur quelque chose qui avait été fait par quelqu'un d'autre; c'était un palier. »

Le fait d'être devenu seul maître à bord a-t-il influencé son graphisme ?

« Faisant l'écriture moi-même, je me suis laissé aller: j'ai vraiment écrit ce que j'avais envie d'écrire. Une fois qu'il s'est agi de dessiner, je me suis retrouvé devant certaines difficultés: mon style ne concordait plus avec ce que j'avais écrit ; je devais réadapter mon dessin à mon écriture ! Et pour le second livre, j'ai encore dû changer énormement, être beaucoup plus réaliste encore. Sinon, cela risquait d'apparaître comme un vaudeville. »

Il faut dire que Benn avait déjà de furieuses tendances réalistes avec « Mic Mac Adam ». On ne dessine pas impunément des histoires jonchées de cadavres avec des gros nez! Vers la fïn, il a même connu une période d'hésitation quant au style  à utiliser, tant et si bien que le nez de Mic était à géométrie variable!

« On m'a toujours dit que je devrais faire du dessin réaliste. De toute façon, écris et on verra qui tu es: c'est en écrivant que j'ai vu réellement ce que je devais dessiner. »

Glénat n'est pas Dupuis. Cette fois, Benn a obtenu la liberté totale de faire ce qu'il voulait. Une occasion, enfin, de pouvoir s'exprimer. Il se souvient en souriant des propos du directeur éditorial des éditions Dupuis: "Benn se prend pour un scénariste, on aura tout vu !"

« En fait, ceci dit en toute modestie, je crois que j'écris encore mieux que je ne dessine, sans doute parce que ça m'emballe très fort. Maintenant, ce qui me frustre, c'est la lenteur du dessin. Pour moi, lorsque j'ai écrit l'histoire, logiquement, c'est fini! Pourtant, il faut encore tout mettre en image... »

Benn n'est pas le seul à se montrer impatient. Chez Glénat on trouve qu'il ne travaille assez vite :

« Ils sont assez fâchés. La maison ne me demande pas de bâcler : on me laisse douze mois pour réaliser un album, ce qui devrait être suffisant. Mais je n'y arrive pas ! »

Benn étant considéré – à juste titre, diront certains – comme un emmerdeur, il s'est dit que désormais, il n'emmerderait plus personne, sauf lui. Il a décidé de tout faire lui-même : l'écriture, le dessin, les couleurs...

« Et pour moi, chaque page est importante. Chaque case... Je ne veux rien sacrifïer. Mais je comprends l'éditeur ; le temps, c'est de l'argent. Et pour lui, cela fait des sommes considérables qui dorment dans ses tiroirs... C'est un problème que je n'avais pas connu chez Dupuis : là, je pouvais mettre deux ans ou même plus, ça restait dans les tiroirs sans problème ! »

Les ventes du premier volume d'« Elmer » n'ont pas été très encourageantes (malgré un bon succès en Belgique).

« Je pense que c'est quelque chose pour lequel ils doivent se montrer un peu patients; j'ai choisi un sujet difficile, qui sort de l'ordinaire. Par rapport aux bouquins de violence, d'aventures ou d'épopées que l'on sort à tire-larigot, moi je suis venu avec autre chose, et je crois que ça a besoin d'un tout petit peu de temps pour s'imposer. »

Une exigence diffïcile à obtenir dans le marché actuel, d'autant qu'il ne s'agit pas d'une série qui peut être lancée à la longue, mais d'une simple histoire en deux volumes.

« C'est comme un roman: à un moment donné, on arrive à la dernière page. Et il n'est pas question qu'après on retrouve Nigel ou Pérou sous les traits d'Indiana Jones, puis dans l'Antarctique avec le Commandant Cousteau ! »

Voilà qui est parlé, Benn. Ne t'en fais pas. Et on attend ce second volume avec beaucoup d'impatience.

J.-C. de la Royère


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