LES FEUX DE LA RAMPE

Vulgaire, cynique, méchant, presque odieux, voilà Elmer. Une trogne à faire peur qui vous crache vos quatre vérités à la figure ! Pourtant Elmer n'y est pour rien, car Elmer est une poupée de ventriloque. La poupée de Nigel Kimberley, artiste de music-hall. De Berlin à Hollywood en passant par Paris et Londres, André Benn nous entraîne dans les coulisses du show-biz ! Benn : « Elmer et moi, c'est l'histoire d'un artiste. L'histoire d'une vie avec ses bonheurs et ses malheurs. J'essaie de faire de Nigel un personnage humain, qui ne soit ni blanc, ni noir, pas un héros vide et sans intérêt. Je voudrais que les lecteurs aient des rapports humains avec lui, qu'ils éprouvent de la sympathie pour lui quand il lui arrive un coup dur, qu'ils soient heureux quand il est heureux et qu'ils le baissent quand il fait une vacherie. »

HISTOIRE DE SCHTROUMPFS

Benn est Belge, mais il se soigne ! Assistant de Peyo, il dessine des gags en une planche, mettant en scène les Schtroumpfs. Dans Tintin, il travaille avec Vicq sur Tom Applepie. Sa première grande série à succès Mic Mac Adam, raconte les enquêtes d'un détective écossais. A 38 ans, il décide de changer résolument de camp et passe dans celui de la BD adulte. Le Benn nouveau est arrivé : caustique, lucide, drôle.
« C'est un aboutissement, cela correspond à ce que j'ai toujours désiré faire en BD. Dans Elmer, je me laisse aller d' un genre d'écriture qui est très proche de moi et qui a été peu exploitée jusqu'alors en BD. Un ton ironique, grinçant et mordant, avec un dessin plus réaliste que ce que je faisais avant mais qui reste tout de même gentil. Et puis je suis content d'être sorti du polar, qui est un genre que j'aime beaucoup, mais je pense que la BD permet autre chose que des récits de mystère et d'action. »

MONSIEUR CAUCHEMAR

Avant de lancer Elmer sur les planches, Benn se fait la main en adaptant le polard hilarant et sinistre de Pierre Siniac: Monsieur Cauchemar. Benn : « C'est un album charnière, pas encore vraiment un album Glénat, mais plus non plus un album Spirou. J'avais besoin d'un temps d'adaptation avant de me lancer dans Elmer. Et puis je ne me sentais pas tout à fait prêt à écrire une histoire tout de suite et j'ai préféré faire une adaptation, ce qui n'est pas aisé pour autant d'ailleurs ! Ce n'est pas le récit de Siniac en lui -même qui m'a intéressé, mais plutôt les deux personnages principaux : ce gamin et ce vieux bonhomme soit disant assassin. »

LES COULISSES DE LA BANDE

Nigel et Elmer vont connaître les joies et les déconfitures de la vie d'artistes. Le strass et le stress ! De Broadway à Hollywood, ce sont les coulisses du music-hall des années quarante qu'André Benn exhibe. Un milieu haut en couleurs et pas très éloigné du show-bizz de la BD, Benn : « Je ne connais pas réellement le monde du spectacle et du music-hall, sinon par tous les films qui traitent de ce sujet. J'ai fait des repérages pour les décors surtout, sinon, je trouve intéressant de greffer sur le monde du show-bizz ma propre expérience du monde de la BD. Un imprésario, c'est un peu un rédacteur en chef, un producteur, un éditeur, etc... Je fais une sorte de transposirion du milieu de la BD au milieu artistique, mais il ne s'agit pas, bien entendu, de régler des comptes ! »

Mais voici que le rideau se lève. Arrêtez de mater l'ouvreuse, comme dirait Elmer, et concentrez-vous sur la scène... Le Choix des moyens commence. Elmer et moi, l'album sort en septembre, les trois coups sont frappés.

PASCAL ROMAN dans Circus no 123 en 1988